Friends of the Richelieu. A river. A passion.



"Tout cedit pays est fort uny, remply de forests, vignes & noyers. Aucuns Chrestiens n'estoient encores parvenus jusques en cedit lieu, que nous, qui eusmes assez de peine à monter le riviere à la rame. " Samuel de Champlain


"All this region is very level and full of forests, vines and butternut trees. No Christian has ever visited this land and we had all the misery of the world trying to paddle the river upstream." Samuel de Champlain

Saturday, October 27, 2012

Gaz de schiste - Lettre ouverte à Lucien Bouchard


"Ressources naturelles - Lettre à un vieux politicien

écrite par Dominic Champagne publiée dans Le Devoir du 26 octobre 2012 ici: http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/362400/lettre-a-un-vieux-politicien

Monsieur Lucien Bouchard,

Dans les dernières pages de vos Lettres à un jeune politicien, vous évoquez avec mansuétude notre rencontre privée de juin 2011 en affirmant qu’en « affaires comme en politique, il faut chercher à résoudre les conflits par des solutions rationnelles » et que « le fait de diaboliser l’adversaire ou l’opposant ne conduit qu’à la polarisation des positions et à l’impasse ».


Après avoir constaté cette semaine le peu de respect manifeste que vous affichez à l’égard de ceux que cavalièrement vous appelez les « bloqueux » et autres « sectes environnementalistes », alors que ces gens-là sont porteurs d’un idéal de développement, d’une exigence d’avenir et de progrès véritable qui devrait mériter toute votre considération, vous me permettrez de vous écrire aujourd’hui cette lettre, pour tenter de dénouer un peu l’impasse où votre jugement nous entraîne.

En février 2011, vous acheviez votre première entrevue publique comme lobbyiste de l’industrie en déclarant que vous aviez pris le parti de vous mêler à cette affaire des gaz de schiste pour bâtir un meilleur avenir pour vos fils, qui sont le coeur de votre vie. Comme vous savez, j’ai trois fils et je suis entré dans cette affaire pour des raisons similaires. Aujourd’hui, ce sont deux visions de notre avenir qui s’opposent. Je voudrais bien croire à la possibilité d’un compromis qui nous permette de marcher d’un même pas vers l’avenir, mais plus je vous entends mener votre propre campagne de propagande, plus vos propos sonnent comme une insulte à l’intelligence de tout citoyen qui suit le dossier de près. De quel dialogue s’agit-il ici ?


Le principe de précaution

Ce que vous appelez l’âge d’or du gaz naturel est en train de polluer l’existence de milliers de citoyens à travers le monde. Le premier conseil que je pourrais vous donner serait de vous rendre, avec un guide indépendant de l’industrie, dans les cantons pas très éloignés de la Pennsylvanie, pour y constater à quel point ce modèle de développement ne devrait en aucun cas nous faire envie. Ce n’est pas ce pays-là, ni ce progrès, ni cet avenir que vous rêvez pour vos fils, j’en suis persuadé.

À défaut de vous y rendre, et d’entendre les citoyens de là-bas vous implorer de ne pas laisser cette industrie s’implanter sur nos terres, vous pouvez plonger dans la lecture des plus récentes études indépendantes de l’industrie, qui se multiplient pour conclure que les risques liés à cette exploitation existent bel et bien. Contrairement à ce que les études commanditées colportent. Et vous avec elles…

À la lumière de ces conclusions, il ne devrait faire aucun doute que dans une zone agricole habitée comme la vallée du Saint-Laurent, le principe de précaution doit prévaloir. Voici quelques pistes pour alimenter votre réflexion.

Ces dernières années, plus de 1000 cas de contamination, d’explosions et autres dommages collatéraux ont été documentés et soumis à des tribunaux ou à des instances gouvernementales dans plusieurs États américains. En 2011, une étude de l’Université Cornell a conclu que « du point de vue climatique, le gaz de schiste est pire que le gaz conventionnel, que le charbon et que le pétrole ». En juillet dernier, une étude menée par l’Université Duke confirme les liens entre les formations rocheuses où est contenu le gaz et les nappes phréatiques, concluant que « des réserves d’eau potable risquent d’être contaminées par des gaz s’échappant des puits d’exploitation ». Dans une autre étude récente parue en mars 2012, des chercheurs de l’Université du Colorado ont comparé deux groupes de personnes vivant à des distances variables des puits pour conclure que les proches résidants courent un risque de cancer supérieur en raison d’une exposition accrue aux gaz volatils.


Développement aveugle

En colportant sans nuances le discours de l’industrie, c’est votre crédibilité même que vous mettez en jeu. Soyons d’honnêtes hommes et essayons de regarder l’avenir de nos fils bien en face. La question climatique — qui est sans doute l’une des questions politiques actuelles les plus capitales qui soient — ne sera résolue que par un recours croissant aux énergies propres et une diminution de notre consommation d’énergies sales. C’est un défi énorme. À notre imagination, à notre courage, à notre sens du partage et de la justice. C’est le défi de l’heure. Poursuivre dans la voie d’un développement aveugle serait immoral.

Nous ne pouvons sacrifier l’avenir des prochaines générations sur l’autel du rendement économique à tout prix et du profit à court terme des actionnaires, si puissants soient-ils. La cupidité, menée par la main invisible de la libre entreprise, au détriment de l’intérêt public, est un bien mauvais maître.

Plusieurs citoyens de la vallée du Saint-Laurent qui ont milité pour imposer le respect à l’industrie ont acquis au cours de cette saga une connaissance approfondie du dossier. Et aussi une importante prise de conscience quant aux impacts liés à notre développement énergétique. Et s’ils méritent qu’on considère d’abord et avant tout leurs préoccupations comme légitimes, c’est parce qu’ils sont les habitants des terres convoitées, qu’ils sont les premiers propriétaires de la ressource, les véritables experts de leur milieu de vie, profondément voués à la défense du bien commun.

Encore de la souveraineté

Vous avez été un extraordinaire rassembleur, Monsieur Bouchard, dans la quête de la souveraineté de notre peuple. Or, c’est encore de souveraineté qu’il s’agit quand on parle de disposer librement, et en toute connaissance de cause, des richesses qui sont les nôtres : l’eau, l’air, la terre et… le gaz contenu dans notre sous-sol.

Pour la suite de notre monde, vous pouvez jouer un rôle important dans l’utilisation démocratique de la richesse collective. En militant pour un usage intelligent, sage et juste de nos ressources en énergie. De même que René Lévesque nous a fait avancer vers un horizon meilleur, avec l’appropriation de nos ressources hydroélectriques, souhaitons qu’en allant rationnellement, rigoureusement vers une connaissance approfondie du dossier énergétique, vous saurez nourrir cette tradition, plutôt que d’y opposer des forces rétrogrades. Ceux qui privilégient les énergies propres marchent vers l’avenir.

Vos paroles ont du charme et vous pourriez user de votre autorité et de votre leadership pour influencer les entrepreneurs que vous représentez afin qu’ils investissent davantage dans les sources d’un progrès et d’un enrichissement collectif véritables.

Sur papier, à vue de nez, l’exploitation des gaz de schiste a pris des allures de pactole. Or, le récent boum gazier a fait chuter de moitié les investissements dans les énergies renouvelables. Nous savons pourtant de quel côté des choses se trouvent ceux qui préparent l’avenir. Dans le nord de l’Europe, en Allemagne notamment, d’importants sites de biométhanisation sont en production pour transformer les déchets organiques en gaz naturel. Au Québec, en investissant davantage de ce côté-là, on pourrait combler la moitié de nos besoins en gaz naturel, et ce proprement, en réglant un important problème de déchets ! Contrairement à ce que peuvent affirmer les diverses campagnes de désinformation commanditées par l’industrie qui a tout avantage, à court terme, à déprimer ces efforts-là.

Après des années où le gouvernement s’est cavalièrement très peu soucié des préoccupations des citoyens, l’arrivée de la ministre Martine Ouellet aux commandes nous permet d’espérer un changement marqué dans la défense de l’intérêt public.

Cependant, la composition de l’équipe des experts de l’Etude environnementale stratégique (EES) en cours demeure un problème. En nommant un comité composé notamment de membres de l’industrie, sans contrepartie citoyenne et écologiste, on a porté une atteinte importante à la crédibilité de cette étude. Vous aurez beau marteler qu’il faut en attendre les conclusions, nous savons déjà que c’est un cadre de développement au service de l’industrie qui sera déposé. Le mandat même, tendancieux, de cette étude, ne vise clairement qu’à « établir la pertinence » de ce développement sans évaluer sérieusement les solutions de rechange au gaz de schiste.

Les richesses naturelles du Québec sont collectives, et il revient au gouvernement d’en assurer le contrôle démocratique et la maîtrise d’oeuvre, avec le consentement libre, préalable et éclairé de la population.

C’est un triste jour, celui où le grand défenseur de l’intérêt public que vous avez été use de tout son poids pour tenter de faire accepter l’inacceptable, de discréditer nombre de forces vives et de faire passer l’intérêt de ses clients avant les intérêts supérieurs de la nation.

Il n’est pas trop tard pour vous commettre !

Quant à moi, je demeure votre tout dévoué."

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Translation of letter written to Lucien Bouchard, spokesperson for the Oil and Gas Association of Quebec and ex Prime Minister signed by Dominic Champagne, famous producer and artist that became outspoken opponent to shale gas in Quebec

Mister Lucien Bouchard.

In the last pages of your Letters to a young politician, you mention our private meeting in June 2011 and say that in business like in politics, problems have to be solved by rational solutions and that by demonizing your opponent, that only polarizes positions and leads to a dead end.

After observing the little respect you showed this week to those you call "blockers" and other "environmental sects", when these people propose a different ideal of development, ask only for a better future and true progress and deserve all your consideration, you will let me write to you today to try to untangle the deadlock where your reasoning is leading you to.

In February 2011, you were finishing your first public interview as a lobbyist for the industry by declaring that you had decided to get involved in the shale gas affair in order to build a better future for your sons, the heart of your life. As you well know, I have three sons of my own and I have also gotten involved because of very similar reasons. Today, these are two opposite visions of our future that are facing each other. I would like to believe that there is a possibility of a compromise that will let us march toward a better future, but the more I hear you promote your own propaganda campaign, the more your words sound like an insult to the intelligence of any citizen that follows this file closely. What dialog are you talking about here?

The precautionary principle

What you call the golden age of gas is polluting the existence of thousands of citizens across the planet. The first advice I could give you would be to go in the counties in Pennsylvania with a guide independent of the industry so you can see for yourself that this model of development should in no case be attractive to you. It is not this country, nor this kind of progress, nor this future that you dream of for your sons, of that I am sure.

If you yourself cannot go listen to the people over there that implore you not to let this industry settle on our land, you could read some of the most recent independent studies that keep coming out that conclude that the risks associated with this kind of extraction are very real indeed. Studies paid for by the industry come to completely opposite conclusions. And so do you...

Enlightened by these conclusions, there is no doubt that an agricultural region like the St. Lawrence Lowlands should adopt the precautionary principle. Here are a few thoughts to help you along in your reflections about the subject:

In the last few years, more than a thousand cases of contamination, explosions and other collateral damages have been documented and presented in a legal court or to governmental agencies in many states in the US. In 2011, a report from Cornell University concluded that when it comes to climate change, shale gas is worse than conventional gas, coal or oil. Last July, a report from Duke University confirmed the link between shale gas formation and underground water tables, concluding that drinking water reserves are at risk of being contaminated by the gases leaking from exploration wells. In another report that came out in March 2012, researchers at Colorado University compared two groups of people living at different distances from wells and came to the conclusion that those living nearer to wells ran a greater risk of catching cancer because of their greater exposure to gases generated from the drilling activities.

Blind development

By repeating blindly the industry's mantra, it's your own credibility that you risk of loosing. Let's be honest men of good will and try to talk about our sons' future truthfully. Climate change, one of the most important political questions right now, will only be resolved by switching to clean renewable sources of energy and cutting ourselves off gradually from dirty energy. It's an enormous challenge. A challenge to our imagination, our courage, our sense of sharing and of justice. Its the challenge of today. To keep on doing blind development would be immoral.

We cannot sacrifice the future of the next generations on the altar of economic performance at any price and of short term profit for the shareholders, no matter how powerful they are. Cupidity under the invisible hand of free enterprise to the detriment of public interest is a bad master.

Many citizens of the St. Lawrence Lowlands that have been actively requesting respect from the industry have acquired during this saga a deep knowledge of this question. Also a great conscious awareness of the impacts of our energy development. And if they deserve that their preoccupations be perceived as being legitimate, it is because that they live on the land the industry is yearning for. These inhabitants are the top owners of the resource, the real experts of their way of life, deeply involved in the protection of the common good.

And then there's sovereignty

You have once been a rallying person, Mr Bouchard, when it came to obtain sovereignty of our people. It is still sovereignty we are talking about here, when it comes to exploit freely, fully aware of our riches that are ours: the water, the air, the soil, and the gas imprisoned underground.

For what is to come, you could play an important role in the democratic use of our collective wealth. By doing the promotion of intelligent, wise and just use of our energy resources. As René Lévesque had brought us towards a promising horizon by the appropriation of our hydro-electric resources, let's hope that by rationally, rigorously going towards a deep knowledge of the energy file, you will continue in this tradition rather than oppose it with backward forces. Those that promote clean sources of energy march towards the future.

Your words can be charming, and you could use of your authority and your leadership to influence the promoters that you represent so that they invest more into the sources of progress and real collective enrichment.

On paper, at first glance, the exploitation of shale gas seems like a bonanza. But the recent gas boom has made half of the investments go down in renewables, even though we know on what side the tendency is for those that plan the future. In Northern Europe, especially in Germany, big biomethane sites are in production right now to transform organic waste into natural gas. In Quebec, by investing more in that sector, we could meet half of our needs in natural gas, in a clean way, and by solving an important waste problem! Contrary to misinformation campaigns funded by the industry that gain, in the short term anyway, by snuffing these efforts.

After years when the government has very little taken care of it's citizens preoccupations, the arrival of Minister Martine Ouellet lets us hope that change will be done in the public's interests.

But the members of the team of experts of the Strategic Environmental Study (ÉES) going on right now are still a point in contention. By electing a committee partially made out of members of the industry, without any citizen or ecologist representation, that is a great blow to the credibility of this study. You can go on repeating that we have to wait for their conclusions, we already know that it is a report made to order for the development of the industry that will come out of it. The mandate itself, tendentious in its nature, is clearly meant to establish the pertinence of it's development without seriously evaluating alternative solutions to shale gas.

The natural resources of Quebec are collective, and it's up to the government to insure the democratic control and the decider, with the free consent of the population that will be well informed first.

It is a sad day, the day when the defender of public good that you once were decides to use your influence to try to make the unacceptable acceptable, to discredit many active forces of the community and make the interests of his clients before the superior interests of the nation.

It's not too late for you to compromise!

As for myself, I remain faithfully yours.

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