Friends of the Richelieu. A river. A passion.



"Tout cedit pays est fort uny, remply de forests, vignes & noyers. Aucuns Chrestiens n'estoient encores parvenus jusques en cedit lieu, que nous, qui eusmes assez de peine à monter le riviere à la rame. " Samuel de Champlain


"All this region is very level and full of forests, vines and butternut trees. No Christian has ever visited this land and we had all the misery of the world trying to paddle the river upstream." Samuel de Champlain

Tuesday, April 22, 2014

Lettre ouverte adressée au nouveau Premier Ministre du Québec

Photo: François Pesant du Devoir

Monsieur le Premier Ministre Philippe Couillard,


Il y a 40 ans aujourd’hui, le 22 avril 1974, le gouvernement du Québec procédait à l’expropriation de l’île d’Anticosti, au nom de la défense de l’intégrité du territoire. Depuis ce jour, Québec se considère comme propriétaire de l’île et de l’ensemble de ses ressources, y compris les ressources « en huile », comme on disait à l’époque.


En 1974, Anticosti est la propriété de la forestière Consolidated Bathurst. La coupe de bois n’y étant plus une bonne affaire, la « Consol » a annoncé quelques mois plus tôt aux résidants de Port-Menier la « fermeture de l’île ». Puis elle a entrepris des négociations avec le gouvernement du Canada pour s’en départir à bon prix. Peu avant que le fédéral, dont le ministre responsable de Parcs Canada à l’époque est Jean Chrétien, n’en vienne à une entente avec la Consol, dont le principal actionnaire est Power Corporation, le gouvernement du Québec a vent de l’affaire. Robert Bourassa fait une offre d’achat à Paul Desmarais qui refuse de vendre à Québec. Alors, dans un geste de défense du bien commun difficile à imaginer aujourd’hui, Québec décide d’exproprier.


Pour la première fois depuis près d’un siècle, Anticosti devient une terre publique où les citoyens pourront aller librement chasser le chevreuil et pêcher, devenir les propriétaires de leur maison et un peu plus maîtres du territoire qu’ils occupent…


À l’heure du réchauffement climatique, la notion de protection de l’intégrité du territoire prend une nouvelle mesure. Et si nous sommes tous responsables du domaine commun, ce geste de défense des intérêts supérieurs du Québec vous interpelle directement.


Votre gouvernement reprendra-t-il les choses là où le gouvernement de Jean Charest les a laissées, en poursuivant l’oeuvre de dépossession du bien public, qui favorise le laisser-faire et le désengagement de l’État au profit d’intérêts privés prêts à sacrifier l’intérêt collectif sur l’autel du rendement à leurs actionnaires ?


Ou suivrez-vous la voie tracée par le gouvernement Marois qui, en annonçant la reprise en main par l’État, du moins en partie, de ses ressources collectives, a favorisé le financement d’une exploitation pétrolière qui pourrait non seulement être néfaste pour nos finances publiques, pour notre économie, mais aussi pour notre environnement, à l’heure où la communauté scientifique nous somme de prendre acte du bouleversement du climat où l’orgie de nos émissions de carbone nous entraîne ?


Ou encore, aurez-vous la sagesse de suivre la voie raisonnable où seront respectées les exigences démocratiques et écologiques que nous sommes en droit de formuler pour que se développe une économie qui soit véritablement viable, porteuse d’une prospérité réelle, pour les citoyens du Québec, et par les gens de Port-Menier.


Il y a 50 ans, dans un extraordinaire effort de volonté politique et à la suite d’un exercice exemplaire de démocratie — qui nous fait assurément défaut présentement, le Québec a fondé sa modernité énergétique selon deux valeurs fondamentales : le partage de la richesse et une énergie propre.


En vue d’obtenir la sanction du peuple, le ministre des Richesses naturelles René Lévesque ira démontrer aux quatre coins du Québec la nécessité de ce qu’il appelait « le règlement raisonnable d’une situation parfaitement absurde ».


Aujourd’hui, ce qui est raisonnable, c’est de se mettre à l’écoute de la raison scientifique, et économique, qui exhorte les gouvernements du monde entier à désinvestir dans les combustibles fossiles et à laisser sous terre la grande majorité des ressources connues en pétrole et en gaz pour éviter que le bouleversement climatique ne dégénère en catastrophes.


Aujourd’hui, ce qui est absurde, c’est de se lancer à la recherche des nouvelles réserves d’un pétrole parmi les plus sales et les plus polluants de la planète, au nom d’une prétendue indépendance énergétique, sans débat public ni étude environnementale, alors que le Québec ne dispose ni d’un plan crédible d’atteinte de ces objectifs de réduction de GES, ni d’une mise à jour de sa politique énergétique, ni d’une loi sur les hydrocarbures.


Aujourd’hui, la nécessaire et inévitable révolution énergétique à laquelle nous sommes conviés doit se faire dans le respect des limites des ressources de notre planète, à commencer par celles dont nous contrôlons le développement sur notre territoire. Nous en appelons à un plan et à une stratégie énergétique à la hauteur de notre potentiel et de nos exigences, comme citoyens du Québec et comme citoyens du monde. Et la preuve reste à faire que cette stratégie passera par l’exploitation du pétrole d’Anticosti.


Durant la campagne électorale, vous vous êtes dit « favorable à l’exploitation des hydrocarbures de façon responsable ». Votre sens de la responsabilité sera-t-il inspiré de l’Alberta et du Dakota du Nord, où la dévastation du territoire se déroule selon les plus hauts standards de respect de l’environnement ? Ou votre politique s’inspirera-t-elle plutôt de la Suède et du Danemark, deux pays parmi les plus verts et les plus équitables au monde, qui se sont dotés de plan crédible de sortie du pétrole et qui misent sur l’exigence écologique pour stimuler l’innovation et la création d’emplois axés sur un savoir-faire porteur d’avenir et d’une grande fierté ?


Depuis des mois, par l’effet d’un raccourci qui fait insulte à l’intelligence, la classe politique laisse croire à la population qu’en investissant 115 millions, on pourra récolter 45 milliards de bénéfices ! Alors que nous savons pertinemment qu’il faudrait des milliards et des années d’investissements avant de toucher aux très hypothétiques redevances provenant de cette exploitation, ces formules de la pensée magique ne sont pas à la hauteur des exigences que nous sommes en droit de poser.


Le Québec ne doit pas faire l’économie d’une approche rigoureuse, transparente et démocratique. Et il revient au peuple de décider de l’usage sage, viable et raisonnable qui doit être fait de nos ressources collectives dont nous demeurons les propriétaires et dont l’État n’est que le fiduciaire.


La décision d’exploiter le pétrole d’Anticosti ne saurait se prendre sans le consentement préalable, libre et éclairé des citoyens.


Quand, en 2007, le gouvernement auquel vous apparteniez a décidé de céder nos droits sur les ressources pétrolières d’Anticosti, cette dépossession du bien collectif eut lieu sans débat public. Depuis au moins deux ans, aucun membre du gouvernement n’a mis les pieds sur Anticosti. Aujourd’hui, en ce jour anniversaire, souhaitons que votre gouvernement soit digne du geste fait il y a 40 ans par un État capable de se porter véritablement à la défense du bien commun.

Dominic Champagne - Dramaturge et metteur en scène

Lien: http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/406109/anticosti-et-exploitation-des-hydrocarbures-soyez-raisonnable-monsieur-le-premier-ministre

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On this Earth Day, famous director Dominique Champagne writes an open letter to Quebec's newly elected Prime Minister about the plans to drill Anticosti Island. Here is my English translation.

Mister Prime Minister Philippe Couillard.

Forty years ago today, April 22 1974, the government of Quebec went ahead with the expropriation of Anticosti Island in the name of the protection of the integrity of the territory. Since that day, Quebec considers itself the owner of the island and the whole of its resources, including the oil.

In 1974, Anticosti was the property of Consolidated Bathurst. Timber exploitation, no longer profitable, Consol had broadcasted a few months earlier to the Port-Menier residents the "the island close down". Then, the company started the negotiations with the Canadian government to get rid of it at bargain prices. Just before the federal, where the minister responsible of Parcs Canada was Jean Chrétien, signed a deal with the Consol, where the main shareholder was Power Corporation, the government of Quebec hears about the rumor. Robert Bourassa then presents an offer to buy to Paul Desmarais who refuses to sell to Quebec. Seeing this, in a gesture to protect common good, something hard to imagine today, Quebec decides to expropriate.

For the first time in a century, Anticosti becomes public land where the citizens can freely hunt deer and fish, becoming owners of their homes and a little more masters of the territory where they live...

At this time of climate change, the notion of protecting the integrity of a territory takes a new meaning. And if we are all responsible of the common domain, this action of protection in the best interests of Quebec is a direct call out to all of us.

Will our government pick up things where the Jean Charest government left them, by continuing the dispossession of public good, favoring carelessness and the disengagement of the State to the profits of private interests ready to sacrifice collective interests for the shareholders'?

Or will you follow the way of the Marois government that announced the taking over by the State, at least in part, of its collective resources, that favored the financing an oil exploitation that could not only be bad for our public finances, for our economy, but also for our environment, at this time when the scientific community pleads with us to recognize the climate turmoils where the orgy of our carbon emissions are taking us?

Or still, would you be wise enough to follow the reasonable way where democratic and environmental needs will be respected that we are entitled to ask for so that a real sustainable economy takes form, permitting a real prosperity for Quebec citizens through the people of Port-Menier.

Fifty years ago, thanks to an extraordinary effort of political will and after an exemplary democratic exercise, something that is painfully missing these days, Quebec put down the foundations of modern energy respecting 2 fundamental values: sharing of riches and clean energy.

In order to get the approval of the people, the minister of Natural Resources René Lévesque went far and wide in Quebec to demonstrate the necessity of what he called "the reasonable resolution of a perfectly absurd situation".

Today, what is reasonable, is to listen to scientific and economic reason that plead the governments of the whole world to disinvest from fossil fuels and leave underground the majority of known oil and gas resources to prevent climate upheaval from becoming catastrophic.

Today, what is absurd is to forge ahead, looking for new reserves of oil that is among the most dirty and the most polluting of the planet in the name of a supposedly energy independence, without public debate nor environmental studies, when Quebec has neither a credible plan to attain its reduction of GES objectives, nor an update of its energy policy, nor a law on hydrocarbons.

Today, the necessary and inevitable energy revolution proposed to us must be done by respecting the limits of the resources of our planet, starting with those we control the development in our territory. We call for a plan and an energy strategy that we deserve, that meets our potential and our requirements, as citizens of Quebec and of this planet. And we are still waiting for the proof that this strategy will be applied to the exploitation of oil on Anticosti.

During the political campaign, you said you were "favorable to the exploitation of hydrocarbons in a responsible way". Would your sense of responsibility be inspired by Alberta and North Dakota, where the devastation is happening with the highest standards of respect for the environment? Or will your policies rather be inspired by Sweden and Denmark, 2 countries amongst the greenest and the fairest in the world, that have a credible plan to wean themselves of oil and based on environmental requirements to stimulate innovation and job creation based on know-how, promising for the future and proud of it?

For months now, thanks to shortcuts that insult our intelligence, the political class makes the population believe that by investing $115 million, we will be able to collect 45 million in benefits! When we know perfectly well that billions will be necessary and years of investments will be needed before we can collect hypothetical royalties from this exploitation, these Pollyannaish formulas are not up to the requirements we have the right to demand.

Quebec must not hesitate to have a rigorous approach, transparent and democratic. And it is up to the people to decide of the wise, sustainable and reasonable use of our collective resources of which we are the proud owners and of which the State is but the trustee.

The decision to exploit the oil on Anticosti should not be taken without the prior consent of free and knowledgeable citizens.

When in 2007 the government of which you belong to decided to give up our rights over the oil resources of Anticosti Island, this disempowerment over the collective interests happened without public debate. For at least 2 years now, nobody from the government came to visit Anticosti Island. Today, on this anniversary day, let's hope our government will deserve what was done 40 years ago by a State capable of really protecting the common good.

Signed: Dominic Champagne, playwright and stage director.

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