Friends of the Richelieu. A river. A passion.



"Tout cedit pays est fort uny, remply de forests, vignes & noyers. Aucuns Chrestiens n'estoient encores parvenus jusques en cedit lieu, que nous, qui eusmes assez de peine à monter le riviere à la rame. " Samuel de Champlain


"All this region is very level and full of forests, vines and butternut trees. No Christian has ever visited this land and we had all the misery of the world trying to paddle the river upstream." Samuel de Champlain

Monday, June 30, 2014

Anticosti. Seuls face au pétrole tout-puissant.


Photo: Joany L'Écuyer Joyeux

Article d'Alexandre Shields publié dans Le Devoir

Ils sont à peine 220 Anticostiens, citoyens d’une île largement méconnue des Québécois. Mis de côté par la classe politique dans le débat sur l’exploitation du pétrole de schiste, ils réclament plus que jamais voix au chapitre. Amoureux de leur territoire, ils affirment que l’avenir passe d’abord par le développement de projets propres à la réalité d’Anticosti, pour autant qu’on leur en donne l’occasion. Le Devoir est allé à leur rencontre

En évoquant le dossier de l’or noir d’Anticosti, l’ancienne première ministre Pauline Marois disait l’an dernier que les « contraintes » sur l’île étaient plutôt faibles, se limitant pour l’essentiel à des questions « de faune et de flore ». En mars dernier, François Legault avait pour sa part affirmé que les insulaires étaient tous d’accord avec l’exploitation d’énergies fossiles.

Pourtant, de l’aveu même des Anticostiens, aucun politicien n’a mis les pieds sur la plus grande île du Québec depuis qu’on spécule sur son supposé potentiel en or noir. Si les décideurs se donnaient la peine de prendre l’avion de Québec à Port-Menier, unique village de l’île, ils constateraient que la municipalité n’a techniquement pas d’eau potable depuis plus de trois ans. Sur cette île où le gouvernement vient d’injecter 115 millions de dollars pour rechercher du pétrole, l’usine de traitement des eaux n’est pas jugée conforme aux normes québécoises.

Cet exemple a valeur de symbole pour plusieurs Anticostiens, qui estiment que le gouvernement aurait mieux fait de les consulter sur leurs besoins pressants avant de se lancer dans l’exploration pétrolière à grand renfort de fonds publics.

C’est justement là tout le problème, affirme Anne-Isabelle Cuvillier. « Ils aimeraient être considérés comme des citoyens à part entière. Mais ce n’est pas ce qu’ils ressentent. Ils ne sont que 180 adultes et ils croient que, peu importe ce qu’ils peuvent dire, ils ne seront pas écoutés. Ils savent très bien que la décision finale, peu importe ce qu’elle sera, ne sera pas prise par eux », explique-t-elle.

À quand un débat ?

Fascinée par l’île depuis son arrivée en bateau au Québec en 1967, Mme Cuvillier est la seule personne à avoir systématiquement consulté les Anticostiens au sujet de l’épineux dossier pétrolier. Elle leur consacre d’ailleurs son mémoire de maîtrise, qui porte sur les enjeux socioécologiques des hydrocarbures sur Anticosti.

Dans le cadre de ses recherches, elle a rencontré personnellement pas moins de 155 résidents de Port-Menier au printemps 2013. Elle a ainsi recueilli leurs impressions par rapport au retour de l’industrie des énergies fossiles. Et les données compilées par Mme Cuvillier sont claires : 70 % de la population estime que les politiciens ne tiennent pas compte d’eux ni de leurs préoccupations dans le débat actuel.

Elle dit avoir constaté que les Anticostiens, habitués de discuter et de débattre des projets qui se développent sur leur territoire, veulent être inclus dans le processus. En fait, ils sont unanimes à réclamer un débat sur l’île, avec tous les intervenants au dossier. Et si certains se disent prêts à prendre le risque du pétrole, à peine 20 % d’entre eux croient que l’avenir de l’île passe par l’or noir. En contrepartie, 70 % de la population estime que la solution passe par l’écotourisme ou la transformation de produits de l’Anticosti (voir autre texte en page A 6).

Anticostien d’adoption depuis une décennie, Frédéric Michaud affirme que les élus et les promoteurs de l’or noir les traitent avec mépris. « On dit souvent que ce n’est pas un enjeu important sur l’île, tellement elle est grande. D’autres, surtout des partisans du pétrole qui ne sont pas de l’île, disent qu’Anticosti n’est pas un joyau. Ou alors on dit que les Anticostiens ne seront pas affectés. En fait, nous n’avons pas vraiment notre mot à dire. Ils nous prennent pour des imbéciles. »

Jeune femme native de l’île, Kim Malouin déplore elle aussi les préjugés qui subsistent chez les Québécois, qui ignorent pour la plupart où se trouve Anticosti. « Parfois, quand je vais en ville, il y a des gens qui se demandent s’il y a du monde qui vit sur l’île et s’ils ont l’électricité. Eh bien oui, des gens vivent ici et en plus, ils ont l’Internet haute vitesse.»

Anticosti mon amour

Comme tous les citoyens de Port-Menier rencontrés par Le Devoir, elle ne tarit pas d’éloges pour la beauté des lieux. « Tout le monde aime son coin de pays, mais l’île est tellement belle, laisse tomber, tout sourire, Kim Malouin. La fin de semaine dernière, on voyait des outardes se promener avec leurs bébés en plein milieu du chemin. Ça, je vois ça en allant travailler le matin à vélo. »

Même son de cloche du côté de Frédéric Michaud. « Sur le bord du golfe, on peut voir des phoques, des fous de Bassan ou encore des baleines. Ensuite, on se retourne et on voit une rivière à saumon à l’eau très claire, mais aussi des aigles royaux. La proximité de ces deux mondes très riches est incroyable. J’ai vécu un peu partout au Québec, mais ce que j’ai trouvé ici, ça n’existe pas ailleurs. »

« La beauté de la chute Vauréal, située au milieu de nulle part et accessible seulement par un petit sentier, c’est incomparable, souligne pour sa part Gilles Dumaresq, citoyen d’Anticosti et directeur de la Société des établissements de plein air du Québec. La grotte à la Patate, une des plus importantes au Québec, est aussi sur l’île. Il faut que les gens voient Anticosti. Certains s’imaginent qu’elle est relativement petite, mais en fait, elle est 17 fois plus grande que l’île de Montréal. »

Ce morceau de terre habité par à peine 220 Québécois est aussi un exemple éloquent d’une communauté pour qui l’entraide et la solidarité sont au cœur de la vie quotidienne. « Ce qui m’a le plus marqué, c’est leur façon de vivre qui est tellement plus humaine, explique Anne-Isabelle Cuvillier. C’est une communauté solidaire, qui s’entraide, qui se donne des outils pour exister. Ils sont très débrouillards, ils connaissent bien leur territoire. Et ils sont en mesure d’être plus heureux sans viser le niveau de vie qu’on veut en ville. Ils vivent plus heureux avec moins. C’est beaucoup plus sain. En fait, ils sont peut-être, à certains égards, un exemple à suivre. »

« Si tu n’as rien à faire le soir, tu peux appeler des amis et t’inviter à souper, souligne Kim Malouin. Contrairement à ce qu’on voit souvent en ville, où l’horaire des gens est souvent très serré, nous avons davantage de liberté. On s’en rend encore plus compte lorsqu’on sort de l’île. »

Dans ce petit village où tout le monde se connaît, la criminalité est pour ainsi dire absente. Il n’y a d’ailleurs pas de police sur l’île. À l’aéroport, on peut voir le véhicule de la Sûreté Québec utilisé lorsqu’un policier vient — « rarement », nous dit-on — patrouiller.

Tous ceux qui redoutent l’arrivée d’une industrie aussi intensive que celle des énergies fossiles, avec tout ce que cela peut supposer de problèmes sociaux, soutiennent que l’art de vivre des Anticostiens sera directement menacé.

« Le pétrole viendrait totalement bouleverser notre mode de vie. C’est ce que je dénonce depuis le début, lance Frédéric Michaud. Ça signifie clairement la mort de notre potentiel touristique et de notre industrie de la chasse. Le pétrole a déjà des impacts sur la population, parce que le débat divise les gens. Et aller faire de l’exploration, c’est déjà mettre le doigt dans l’engrenage. »
Anticosti a toujours été considérée comme une île de naufrage ainsi qu’en témoigne l’épave de la Calou, navire échoué en 1982. Port-Menier est l’unique village d’Anticosti, une île 17 fois plus grande que celle de Montréal. Ici, un aperçu du dépôt de carburant de l’île qui surplombe la rue du Cap-Blanc.

Lien: http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/412131/dossier-anticosti


Photo: Les travaux d'exploration sont déjà commencés - exploration work has already started. Courtoisie Caroline Laflamme

Anticosti: alone against all powerful oil

My translation of article above.

They are but 220 people on Anticosti Island, citizens of an island mostly unknown by the average Quebecois. Forgotten by politicians in the shale oil exploitation debate, they demand now more than ever a voice in the matter. Loving their territory, they say that the future must be about development of projects that are respectful of the nature of Anticosti, when they have a chance to have their say, that is. The newspaper Le Devoir went to meet them.

When mentioning the file of Anticosti's black gold, the ex PM Pauline Marois had said last year that the "constraints" on the island were rather weak, essentially only "fauna and flora" problems". Last March, François Legault had said that the Islanders were all welcoming the projects of exploiting fossil fuels.

Yet, the people of Anticosti say that no politician had landed on the largest island of Quebec since the possible black oil potential had been object of speculations. If the powers that be took the time to take the plane from Quebec to Port-Menier, the only village on the island, they would see that the municipality has had technically no drinking water fore the past 3 years. On this island where the government just injected $115 million to look for oil, the water treatment plant does not respect the provincial standards.

This example has the value of a symbol for many of the Islanders that think that the government would have been better to consult them about their more pressing needs before investing in oil exploration with the help of public funds.

That is exactly where the problem is, says Anne-Isabelle Cuvillier. "They would like to be considered like full-fledged citizens. But that is not how they feel. They are but 180 adults and they believe that no matter what they say, nobody listens. They know very well that the final decision, no matter what it is, will not come from them", she says.

When will there be a debate?

Fascinated by the island since her arrival by boat in Quebec since 1967, Mrs Cuvillier is the only person to have systematically consulted the people of Anticosti regarding the controversial oil file. She dedicates her master's essay on the socio-ecological stakes of hydrocarbons on Anticosti.

During her research, she personally met 155 residents of Port-Menier during the Spring of 2013. She has listened their impressions about the return of the fossil fuel industry. And the data compiled by Mrs Cuvillier are clear: 70% of the population thinks that the politicians don't take them into consideration, nor their concerns in the present debate.

She says she found that the people of Anticosti, used to discuss and debate projects that develop in their territory, want to be included in the process. Indeed, they are unanimous in asking a debate on the island, with all the implicated parties involved in this file. And if some say they are ready to take the oil risk, just 20% of them believe that the island's future is black gold. On the other hand, 70% of the population thinks that the solution is eco-tourism or the processing of their products.

On Anticosti for the past decade, Frédéric Michaud says that the elected officials and promoters of black oil treat them with contempt. "It is often said that it is not an important stake on the island because it is so big. Others, especially those favorable to oil that are not from the island, say that Anticosti is not a jewel. Or others say that the people of Anticosti will not be affected. In reality, we really have not been able to put in a word edgewise. They think we are stupid."

Young woman native of the island, Kim Malouin is sorry to hear the prejudice still present among Quebecois, most of them not knowing where Anticosti is. "Sometimes, when I go in town, some people ask me if there are any people living on the island and if they have electricity. Well, yes, people live here, and they even have high speed Internet."

Anticosti, my love

Like all the citizens of Port-Menier that the Devoir has met, she is full of praise for the beauty of the place. "Everybody loves his corner of the country, but the island is so beautiful, bursts out smiling Kim Malouin. Last weekend, geese were walking their ducklings in the middle of the road. I see that when I go to work on my bicycle in the morning. "

Same for Frédéric Michaud: "By the Gulf, we can see seals, northern gannets, even whales. Then, we turn around and we see a clear water salmon river and bald eagles. The proximity of these two very rich worlds is incredible. I have lived here and there in Quebec, but what I have found here does not exist anywhere else."

"The beauty of Vauréal falls, right in the middle of nowhere and only accessible by a small trail, it is incomparable, mentions Gilles Dumaresq, citizen of Anticosti and director of the Société des établissements de plein air du Québec (outdoor establishments society of Quebec). The Patate cavern, one of the most important in Quebec, is also on the island. People must see Anticosti. Some think it is relatively small, but in fact, it is 17 times larger than the island of Montreal."

This piece of land where barely 220 Quebecois live is also a good example of a community where mutual collaboration and solidarity are part of every day life. "What struck me the most is their way of life that is so much more human, explains Anne-Isabelle Cuvillier. It is a community where solidarity and mutual assistance help them find what they need to survive. They are very resourcefull and know their territory very well. And they can be happy without wanting to lead the life people yearn for in town. They are happier with less. It is a lot healthier. In fact, in many ways, they are an example to be followed."

"If you have nothing to do in the evening, you can call some friends and get yourself invited for supper, says Kim Malouin. Contrary to what often happens in town where people are often too busy, here we are more free. We realize it better when we get off the island."

In this small village where everybody knows your name, crime is practically absent. There is no police on the island. At the airport, the vehicle the police uses when they come on the island can be seen, and he rarely uses it to patrol the island, they say.

All those who apprehend the arrival of an industry as intensive as the fossil fuel industry, along with the social problems that come with it, say that the way of life of Anticosti will be directly threatened.

"Oil would totally upset our way of life. That is what I speak out against from the very start, says Frédéric Michaud. It clearly would be the death of our tourist potential and hunting industry. Oil already has impacts on the population because it is dividing people. And to go and explore is starting down a slippery slope."

Anticosti has always been considered a shipwreck island, like the wreck of the Calou, lost in 1982. Port-Menier is the only village of Anticosti, an island 17 times bigger than the island of Montreal.

1 comment:

  1. Yep. Big Oil has already started destroying this Quebec jewel. We sold our soul to the devil.

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