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"All this region is very level and full of forests, vines and butternut trees. No Christian has ever visited this land and we had all the misery of the world trying to paddle the river upstream." Samuel de Champlain

Saturday, April 30, 2016

Energy East: The Twisted Pipeline


Photo: mining.com

Énergie Est - Le tortueux chemin d’un pipeline


SEE ENGLISH TRANSLATION BELOW

Reportage publié dans Le Devoir le 30 avril 2016 |Alexandre Shields


Depuis qu’elle a présenté son projet Énergie Est, TransCanada a refusé à plusieurs reprises de se soumettre aux lois environnementales en vigueur au Québec. Si elle vient d’accepter de le faire, c’est à la suite d’une entente négociée avec le gouvernement. Il faut dire qu’au-delà des personnalités québécoises influentes qu’elle mobilise pour promouvoir son pipeline, la pétrolière ne reconnaît pas le droit à la province de statuer sur sa construction. Et l’entreprise sait très bien que la pression sur le Québec est très forte, tant l’économie canadienne demeure dépendante du secteur pétrolier.

1er août 2013. Le traumatisme de la tragédie humaine et environnementale de Lac-Mégantic est encore omniprésent, un peu plus de trois semaines après le déraillement et l’explosion d’un train transportant du pétrole brut en plein coeur de la petite municipalité. C’est la date fixée par TransCanada pour présenter pour la première fois son projet de pipeline Énergie Est. En plus d’affirmer qu’une telle infrastructure permettrait de réduire les importations pétrolières, la multinationale albertaine insiste alors sur la sécurité des pipelines. Le moment est pour le moins bien choisi.

En plein été, l’annonce ne fait pas vraiment de vagues. Il faut dire qu’on sait alors peu de choses de cet imposant pipeline, le plus important du genre en Amérique du Nord. La campagne de promotion ne s’en met pas moins rapidement en place. En plus des lobbyistes déjà à pied d’oeuvre, TransCanada peut compter sur l’appui indéfectible du gouvernement Harper.

Dans les mois qui suivent, le ministre fédéral des Ressources naturelles, Greg Rickford, vante, à Montréal, cette « solution d’avenir » pour le Québec. Le futur premier ministre du Québec, Philippe Couillard, manifeste aussi son appui au projet au cours de la campagne de mars 2014. Le chef libéral qualifie même de « belle occasion » l’idée d’exporter du pétrole des sables bitumineux à partir d’un port qui serait situé à Cacouna.

Travaux et amende

Appui de Québec ou pas, la cause est alors déjà entendue pour TransCanada. Et sa position, ferme, est toujours la même deux ans plus tard : seul le gouvernement fédéral a le pouvoir d’autoriser ou non le projet de pipeline d’exportation.

C’est dans ce contexte que la pétrolière entreprend en avril 2014 les levés sismiques en plein coeur de la pouponnière de bélugas du Saint-Laurent, sans avoir demandé la permission au gouvernement du Québec. Il faudra d’ailleurs une plainte déposée par le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) quelques mois plus tard pour que le gouvernement finisse par imposer une amende à TransCanada. Pour avoir mené ses travaux sans certificat d’autorisation, la compagnie a écopé d’une amende de 5000 dollars.

C’est aussi à la suite d’une action judiciaire entreprise par le CQDE que TransCanada acceptera finalement d’attendre l’autorisation de Québec avant de mener des forages à Cacouna. On connaît la suite. Même si la pétrolière ne fournit pas au ministère de l’Environnement l’avis scientifique réclamé à plusieurs reprises, Québec l’autorise à procéder. Il faudra, encore une fois, une requête des groupes environnementaux pour faire cesser les forages. Et la Cour blâme alors directement le ministre David Heurtel.

Aux prises avec une controverse de plus en plus vive, les libéraux réclament finalement une étude d’impact du projet, comme la Loi sur la qualité de l’environnement le prévoit depuis plus de 35 ans pour tout pipeline de plus de deux kilomètres. Le gouvernement Couillard ferme du même coup la porte à l’évaluation des émissions de gaz à effet de serre liées à la production pétrolière qui sera transportée par Énergie Est.

Qu’importent les demandes du Québec, TransCanada refuse de respecter la législation et de produire une étude d’impact, au point où le ministre Heurtel décide finalement de mandater le BAPE en juin 2015 sans avoir ce document essentiel en main. Le ministère de l’Environnement autorise du même coup la réalisation de travaux préliminaires, dont des levés sismiques dans le Saint-Laurent.

Ottawa favorable

La situation demeure au beau fixe jusqu’à ce que le CQDE dépose une nouvelle demande en justice en février dernier pour tenter de forcer TransCanada à se conformer aux dispositions des lois environnementales québécoises. Encore une fois mis au pied du mur parce qu’il ne fait pas appliquer ses propres lois, le gouvernement Couillard dépose finalement une demande d’injonction similaire.

C’est cette étape qui a finalement mené à une entente entre le gouvernement du Québec et la pétrolière en vue de la production d’une étude d’impact. Mais au lieu d’y mettre des mois de travail, comme cela serait la norme pour un tel projet industriel, le tout doit être réalisé d’ici le 6 juin. Pour David Heurtel, il est néanmoins clair que TransCanada « se soumet » à la réglementation provinciale. Pour autant que l’étude du Québec ne retarde pas le processus d’approbation qui doit, selon l’entreprise, provenir du fédéral. Et qui semble en voie d’être acquis.

D’ailleurs, il ne fait aucun doute que le gouvernement canadien a bien entendu le message lancé par l’Alberta, la Saskatchewan et l’industrie pétrolière : le pays a besoin des pipelines pour mettre en marché ses imposantes réserves pétrolières, les troisièmes en importance dans le monde. Avant même l’élection des libéraux, Stéphane Dion s’était porté à la défense des sables bitumineux et du transport de pétrole par pipelines. La ministre de l’Environnement, Catherine McKenna, ne voit pas non plus d’incohérence entre la croissance de la production pétrolière et la volonté du gouvernement Trudeau de lutter contre les changements climatiques.

Avec les projets bloqués vers la côte ouest et vers les États-Unis, le pipeline Énergie Est revêt une importance encore plus grande. Sans lui, impossible d’augmenter le rythme d’extraction du pétrole des sables bitumineux, comme le prévoit l’industrie. Dans ce contexte, la pression sur le Québec est plus forte que jamais. Il faut se rappeler les attaques virulentes lancées à la suite de l’opposition formelle de la Communauté métropolitaine de Montréal. De telles attaques n’ont jamais été dirigées contre la Colombie-Britannique, où deux projets de pipelines sont actuellement bloqués.

Pipeline nécessaire ?

Reste une question majeure, au-delà des risques environnementaux qui demeurent toujours peu documentés : le Québec et l’est du Canada ont-ils besoin de ce pipeline, vecteur de division sociale destiné d’abord à exporter le pétrole de l’Ouest ?

Malgré les arguments selon lesquels le projet de TransCanada permettra de mettre pour ainsi dire fin aux importations pétrolières dans l’est, la réalité est en effet tout autre. En fait, la raffinerie de Valero à Lévis refuse de donner des précisions sur ses achats éventuels du pétrole provenant d’Énergie Est. Quant à celle d’Irving, à Saint-Jean, elle s’est seulement engagée à acheter 50 000 barils par jour, sur une capacité de raffinage de 300 000 barils. Le reste continuera d’être importé, notamment d’Arabie saoudite.

Qui plus est, la majorité des besoins en brut du Québec sont désormais comblés depuis l’inversion du flux de pétrole dans l’oléoduc 9B d’Enbridge. Au final, selon les données actuellement disponibles, au moins 900 000 barils par jour seront directement exportés vers des marchés étrangers. Le Québec ne servira donc que de territoire de transit pour ce pétrole. TransCanada songe d’ailleurs toujours à construire ici un port pour exporter une partie de ce brut.

Les émissions

Selon les scénarios présentés, TransCanada compte exporter du pétrole vers l’Europe, l’Inde et les États-Unis. Qui plus est, en plus du pétrole de l’Ouest, le pipeline pourrait transporter jusqu’à 300 000 barils par jour en provenance du Dakota du Nord. Ce pétrole, importé au Canada par le pipeline Upland, puis transporté d’ouest en est, pourrait donc en théorie être de nouveau exporté vers les États-Unis.

Certes, le transport de pétrole dans une société globalisée est une nécessité pour l’industrie. Mais cette même société globalisée signifie que les problèmes environnementaux doivent être abordés dans une perspective planétaire. Or, dans le cas d’Énergie Est, la question des émissions de gaz à effet de serre de l’industrie pétrolière demeure entière.

Il est en effet impossible pour le moment d’avoir une idée précise et détaillée des émissions liées à la production des 400 millions de barils de brut qui couleront chaque jour dans le pipeline de TransCanada. L’avis de projet transmis la semaine dernière au gouvernement du Québec n’en fait même pas mention. Il est également impossible de savoir dans quelle mesure le Québec évaluera cette question, alors que le gouvernement Couillard a rejeté cet enjeu à plus d’une reprise au cours des deux dernières années.

Bref, l’ensemble a de quoi susciter une certaine méfiance. Depuis le dévoilement du projet Énergie Est, on constate que TransCanada a mis beaucoup d’efforts pour en faire la promotion, tout en refusant à plusieurs reprises de se conformer à la législation québécoise. Quant au gouvernement Couillard, il a souvent été forcé, un peu malgré lui, d’agir pour appliquer ses propres lois. Au final, s’il reste encore deux années de débats, on sait d’ores et déjà que ce pipeline sera porteur d’une profonde discorde.

Lien: http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/469611/energie-est-le-tortueux-chemin-d-un-pipeline

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Energy East: The Twisted Path of a Pipeline

My translation of above article:

Since presenting its Energy East project, TransCanada has refused many times to obey current environmental laws in Quebec. If it has just accepted to do so, it is after a negotiated agreement with the government. It must be said that beyond the influential Quebec personalities mobilized to promote its pipeline, the oil company does not recognize the right of the province to statute on its construction. And the company knows very well that pressure to make Quebec move is very strong, because Canada's economy is dependent on the oil sector.

August 1 2013. The trauma caused by the human and environmental tragedy of Lac-Mégantic is still very present, a little more than three weeks after the derailment and explosion of a train moving crude oil right in the heart of the small municipality. That is the date given by TransCanada to present for the first time its Energy East pipeline project. On top of saying that such an infrastructure would help reduce oil imports, the Albertan multinational insists at that point on the safety of pipelines. The moment is well chosen.

Right in the middle of summer, the announcement does not create much of an impact. It must be said that at the time, very little was known about this imposing pipeline, the biggest of its kind in North America. Lobbyists are already hard at work, and TransCanada can count on unwavering backing from the Harper government.

During the following months, in Montreal, the Natural Resources federal minister Greg Rickford brags about this "solution of the future" for Quebec. Philippe Couillard, the future Prime Minister of Quebec, also expresses his support for the project during the March 2014 campaign. The Liberal Leader even qualifies the "nice occasion" the idea of exporting the oil from the tar sands from a harbor that would be built in Cacouna.

Work started and fine

With of without Quebec's accord, the cause is already heard for TransCanada. And its firm position is still the same two years later: only the federal government has the power to authorize or not the export bound pipeline project.

It is in this context that the oil company starts seismic surveying right in the heart of the beluga nursery in the St. Lawrence, without asking permission from the Quebec government. A complaint will have to be lodged by the CQDE (Centre Québécois du Droit de l'Environnement) a few months later for the government to finally impose a fine to TransCanada. For having done the work without an authorization certificate, the company gets a $5,000 fine.

It is also after a legal action from the CQDE that TransCanada finally accepts to wait for Quebec's authorization before drilling in Cacouna. We all know what happened next. Even if the oil company does not have scientific advice to give to the Environment ministry that had been requested many times, Quebec gives the go ahead anyway. Once more, it will take a statement of claim from the environmental groups to have the drilling stopped. And the court blames directly Minister David Heurtel at the time.

Caught in a more and more strong controversy, the Liberals finally ask for an impact study for the project, just like the Law on the Quality of the Environment demands it for more than 35 years now for any pipeline of more than two kilometers. At the same time, the Couillard government closes the door to an assessment of greenhouse gases emitted tied to the oil production that will be transported by Energy East.

No matter what Quebec wants, TransCanada refuses to respect the legislation and present an impact study, to the point that Minister Heurtel finally decides to mandate the BAPE in June 2015 without having this essential document in hand. The Environment ministry authorizes at the same time the realization of preliminary work, including seismic surveying in the St. Lawrence.

Ottawa favorable

The situation stays the same until the CQDE filed a new legal claim last February to try to force TransCanada to conform to the environmental laws dispositions of Quebec. Once more, backed up to the wall because it will not enforce its own laws, the Couillard government finally files a similar legal claim.

It is this final stage that finally led to an agreement between the Quebec government and the oil company in order to produce an impact study. But instead of taking months to do the work, like it would normally take for such an industrial project, everything must be completed by June 6. For David Heurtel, it is nevertheless clear that TransCanada "is submitting itself" to the provincial rules. As long as the study of Quebec does not delay the approval process that must, as per the company, come from the federal. And that seems to be a given.

Besides, there is no doubt that the Canadian government has well heard the message coming from Alberta, Saskatchewan and the oil industry: the country needs pipelines to market its important oil reserves, third in importance in the whole world. Even before the Liberal election, Stéphane Dion came to the defense of the tar sands and transportation of oil by pipelines. Catherine McKenna, Minister of the Environment, does not see any incoherence between increase of oil production and the Trudeau government's goal to fight climate change.

With projects blocked westward and to the US, the Energy East pipeline becomes even more important. Without it, it will be impossible to increase the tar sands oil extraction rhythm like the industry is planning it. In this context, the pressure on Quebec is stronger than ever. Remember the angry attacks against the formal opposition of the CMM. Such attacks have never been seen against BC where two pipeline projects are blocked right now.

Is the pipeline necessary?

There is one major question left, beyond the environmental risks that are still very little documented: do Quebec and Eastern Canada need this pipeline, social division vector first of all destined to export Western oil?

In spite of arguments that say that the TransCanada project will let put an end to oil imports in the East, the reality is very different. Indeed, the Valero refinery in Lévis refuses to give any precisions on its eventual purchases of oil coming from Energy East. As for Irving's refinery, in Saint-Jean, it only promises to buy 50,000 barrels a day, with a capacity of refining 300,000 barrels. The rest will continue to be imported, from Saudi Arabia among others.

Plus, the majority of Quebec's crude needs are now fulfilled by the inversion of Enbridge's 9B pipeline. In the end, as per the data presently available, at least 900,000 barrels per day will be directly exported abroad. Quebec will only be a transit zone for this oil TransCanada still wants to build a harbor to export a part of this crude.

Emissions

As per the scenarios presented, TransCanada wants to export oil to Europe, India and the US. Plus, on top of the oil coming from the West, the pipeline could move up to 300,000 barrels per day coming from North Dakota. This oil, imported into Canada by the pipeline Upland, then moved from west to east, could then in theory be exported back to the US.

Certainly, the transportation of oil in a globalized society is a necessity for the industry. But this same globalized society means that environmental problems must be confronted on a planetary perspective. But, in the case of Energy East, the question of greenhouse gases emitted by the oil industry remains unanswered.

It is indeed impossible right now to have an exact and detailed idea of the emissions tied to the production of the 400 million barrels of crude that will flow each day in TransCanada's pipeline. The notice of project presented to the Quebec government last week does not even mention it. It is also impossible to know up to what degree Quebec will assess this question, when the Couillard government rejected this issue more than once since the past few years.

In a nutshell, the whole thing is enough to create a certain mistrust. Since the unveiling of the Energy East project, we can see that TransCanada has put a lot of effort to promote it, while refusing many times to conform to Quebec legislation. As for the Couillard government, it has been forced, a bit despite itself, to act in order to enforce its own laws. In the end, if there is still two years of debate left, we already know that this pipeline will be the source of a lot of contention.

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